(Allemagne de l’Est, années 1970-1980)
Ceci est une fiction. On s’y réfère au cas célèbre du Président Schreber (1842-1911) mais les noms des lieux où il a vécu, où il a été hospitalisé, ont été changés.
J’ai commencé à m’intéresser à l’œuvre du Dr Daniel F. Paracelsius, de l’Université de Dreizen, lorsque je n’étais moi-même qu’un enfant, à peu de choses près. Je me souviens d’être tombé par un hasard fécond, au détour d’un rayon de bibliothèque, sur les « Actes du IVe Congrès Rhénan des Sciences de l’Encéphale » dont le Professeur présentait un des rapports inauguraux. Le titre, à l’époque, ne m’avait frappé que par son ordonnance pompeuse qui évoquait tellement bien les fastes universitaires allemands : Über die veränderte Sprechweise und die Bildung neuer Worte und Ausdrücke in Wahnsinn und Irrenschaft. Mais le nom de l’auteur m’avait, je le suppose, étonné et ravi par son étrange consonance anachronique, et par les multiples ondes de mémoire qu’il faisait résonner en moi. J’avais peine à croire qu’on pût s’appeler Paracelsius aujourd’hui. Si mes yeux ne m’avaient pas trahi, j’imaginais une sorte de stase temporelle, ou la rémanence à travers les siècles d’une personnalité trop forte pour se dissoudre. Je pensais que Paracelse, s’il avait survécu, avait dû pour rester lui-même changer d’objet d’étude, et qu’il avait pu trouver, au deuxième quart de ce siècle, dans les « sciences de l’encéphale » un domaine à sa mesure. Je suppose aussi que c’est à ce hasard que j’ai dû de choisir le même but, et de m’astreindre à des études médicales qui n’avaient pas beaucoup d’autres attraits à mes yeux.
Toujours est-il qu’aujourd’hui je m’apprête à publier un gros volume de commentaires et de gloses sur cette œuvre, dont je suis certain qu’elle représente une Parole que les autres n’ont pas été capables d’entendre. J’en ai depuis longtemps établi la bibliographie exhaustive. Elle s’échelonne de 1924, date des premières approches, à 1978. À vrai dire, les dernières publications ne sont pas de la même veine. Les redites sont nombreuses, les préoccupations s’éloignent de plus en plus souvent de l’étude de la langue pour se cantonner dans l’expérimentation psychopharmaceutique. Mais l’essentiel est là : personne n’a jamais dit ce que cet homme a dit, personne n’a jamais pensé ce que cet homme a pensé, et je suis seul à le savoir. Lui-même, le sait-il ? Peut-être l’a-t-il oublié. Son gros rapport au Congrès Rhénan date de 1936. L’époque se prêtait mal aux échanges intellectuels. Le texte n’a guère eu de retentissement international et n’a valu à son auteur, en Allemagne même, que des succès académiques, du reste plutôt compromettants. Je me demande parfois si la nouveauté radicale de ce message n’est pas due au point de vue d’où je le considère, si ce n’est pas du regard que je jette sur lui que naît l’étonnante lumière que j’y vois… C’est la raison pour laquelle je crois devoir consigner ici ce que mes commentaires ne diront pas, pour des raisons évidentes qui tiennent à la fois de l’ « objectivité » indispensable à un ouvrage universitaire, et à la simple discrétion. Je crois pourtant que c’est ici, dans ces lignes éminemment subjectives, que se trouveront le mieux décrites la simple réalité des choses, la vérité d’un homme, d’une œuvre qui parle de la Parole et des troubles qu’y porte la Folie, et aussi celle de son commentateur.
J’avais presque oublié le Dr Daniel F. Paracelsius lorsque je revis son nom, six ans plus tard, sur la couverture d’un livre qui figurait à la vitrine d’une librairie d’art, près du Boulevard Saint-Germain. Je ne pus m’empêcher d’entrer, d’acheter le livre. C’était une édition assez luxueuse reproduisant des tableaux, des aquarelles, des dessins au crayon ou à la plume, parfois des croquis qui semblaient faits avec un stylo à bille sur une feuille de cahier d’écolier, sur du papier d’emballage, sur les supports les plus humbles et parfois déchirés ou froissés. Je me souviens de la perfection du procédé d’impression sur papier glacé, qui donnait l’illusion surprenante de pouvoir toucher le grain du document original, de palper l’épaisseur des couches de couleur ou d’effleurer le contour déchiqueté de certains documents. C’étaient des œuvres de malades mentaux, hospitalisés dans la Clinique d’État de Dreizen, où le Prof. Daniel F. Paracelsius avait, comme je le vis sur la page de garde, fondé un Laboratoire de Psychopathologie de l’Expression. Ces œuvres n’étaient pas signées, sauf parfois d’un prénom. Leurs auteurs, identifiés par deux initiales, voyaient leur histoire décrite en quelques lignes concises, sèches, mais qui me parurent cerner l’essentiel d’un trait impérieux et pénétrant. Il y avait peu de texte et encore moins de commentaire. Mais en tournant les pages, le propos de l’ouvrage m’apparut de l’ordonnance des planches. Tout ce que j’avais lu dans les livres sur la prédisposition morbide, sur l’insidieux envahissement ou sur la catastrophe inaugurale, sur l’incommunicabilité, l’étrangeté, le morcellement de l’image de Soi, sur les retours apparents à la normale, les retombées, la désorganisation progressive et le silence final – tout cela, je le vis pour la première fois dégagé de la gangue des mots techniques, comme des appels, des visages ou comme des cris, quelque part à la limite de la vie et de la mort. Je me dis que celui qui savait si bien donner à voir ce qui jusque-là m’avait manqué, pourrait aussi m’apprendre à vivre ce que ces visages et ces cris allaient bientôt exiger de moi. Je passai sur la gêne mal définie que me causait peut-être l’anonymat, l’humilité de ceux qui avaient fait ces œuvres par rapport à l’aisance de ceux qui les reproduisaient : le nom sonore de Paracelsius sur la couverture, avec ses titres ; le luxe de l’édition ; et moi, dans cette rue pleine de choses rares, à rassasier mon œil d’une beauté qui ne me coûtait rien.
Et puis, ce furent quelques années modérément studieuses, où je me passionnai néanmoins pour l’histoire du Président Schreber. Ce grand délirant avait réussi l’exploit de se guérir lui-même d’une maladie mentale par une autre et, après neuf ans d’asile, se croyant transformé en femme et destiné à enfanter une nouvelle race humaine, il avait obtenu sa libération, adopté une fillette et publié ses Mémoires, dont Freud avait fait le bréviaire des connaissances fondamentales sur la psychose. En étudiant ce livre, Denkwürdigkeiten eines Nervenkranken, publié en 1903 par Oswald Mütze à Leipzig, je m’avisai que le Birkenhof, célèbre clinique universitaire dirigée en 1883, à l’époque où Schreber y séjournait, par le grand neurologue Flechsig, se trouvait précisément à Dreizen. Cette constatation m’amusa, et piqua ma curiosité. Il ne me fut pas difficile d’apprendre qu’en effet, le Prof. Paracelsius était le lointain successeur du Prof. Flechsig. Mieux encore, la Clinique d’État de Dreizen occupait toujours, sinon, les mêmes locaux détruits par les bombardements, du moins l’emplacement même du Birkenhof. À partir de ce moment, je ne pensai plus qu’à me rendre sur place pour y achever ma formation. Ce n’était pas réalisable immédiatement : il me fallait mieux posséder l’allemand. Et puis, il n’était pas si facile d’obtenir un visa de séjour prolongé. En attendant, je m’intéressai enfin sérieusement aux écrits du Prof. Paracelsius, accessibles dans la langue originale à la Bibliothèque Nationale. La découverte fut surprenante, car si j’avais toujours été fasciné par le langage et par l’écriture, et si j’avais fréquenté certains linguistes qui parlaient du signifiant, jamais je n’avais imaginé tant de sagesse dans la folie, ni tant de profondeur dans les inventions verbales, les défauts de prononciation, et jusque dans les balbutiements les plus incohérents. J’étais déjà habitué à lire, comme à livre ouvert, le symbolisme inconscient des délires. Mais ici, il ne s’agissait plus seulement du contenu, mais de la forme même de leur discours, qui dans ses pires aberrations livrait un surcroît de sens. Je me trouvais dans la situation de celui qui croit avoir compris un texte à la première lecture, et à qui l’on dévoile le code secret qui donne un sens à l’emplacement des virgules et des points. J’étais enthousiaste, et je décidai immédiatement de consacrer ma thèse au savant allemand, de traduire et de diffuser ses œuvres en langue française, et d’en devenir le continuateur.
Grâce à de vagues accointances politiques, j’obtins finalement mon visa et partis pour l’Allemagne de l’Est en octobre 19..
Le Birkenhof était, dans la banlieue de Dreizen, le long de la grand-route de Königsbrück, une vaste bâtisse à front raide, coiffée d’une tourelle qui ressemblait à un mirador. À droite du corps de logis, se trouvait une aile très longue qui était une ancienne chapelle, et qu’on avait convertie en bureaux et en chambres d’hospitalisation. Derrière le bâtiment était, auparavant, un grand parc d’aspect seigneurial, avec des pièces d’eau et des statues faussement grecques. C’était ainsi avant 1945. Quelques tonnes d’explosifs avaient détruit tout cela, en épargnant toutefois l’ancienne chapelle qui,restaurée, était devenue le centre nerveux de la nouvelle Clinique d’État. Dans le parc, éventré par les bombes, on avait égrené de petits pavillons blancs et sages, où logeaient les malades. Quelques statues survivantes se demandaient ce qu’elles faisaient là. Quand je vis cet endroit pour la première fois, il me fut difficile d’imaginer là le fantôme de Flechsig, ou plutôt l’âme-Flechsig dont parle le Président Schreber, confidente et complice du Dieu Inférieur. Mais, si le jardin avait perdu de son charme, la chapelle avait conservé son éclat. La structure en était gothique, probablement d’un style assez primitif. C’est du moins ce que je crus discerner sous l’aménagement baroque, dont les ornements et les plâtres s’ingéniaient à masquer l’architecture originelle. Mais l’exubérance baroque, elle-même, était tempérée par la fonction actuelle de l’édifice, sinon par les déprédations de la guerre. À peine arrivé à Dreizen après de longues heures de train, je m’étais rendu là avant toute autre chose. J’avais erré parmi les feuilles mortes de cet automne chaud, et respiré l’odeur de brume et de poussière qui montait du sol. Je me demandais ce qu’était cette chapelle qui contrastait si fort avec l’univers aseptisé des pavillons, et ce qu’on y faisait, quand je vis sur la porte une plaque de cuivre qui me le dit :
Clinique d’État des Maladies Mentales. Laboratoire de Psychopathologie de l’Expression. Prof. Dr. Daniel F. Paracelsius
Trois jours plus tard, celui que j’avais convenu d’appeler mon maître me donnait le rendez-vous que j’avais sollicité. Il me convoquait chez lui, dans sa résidence des quais de l’Elbe. J’en étais ravi : je me demandais vraiment à quoi pouvait ressembler la demeure d’un universitaire connu d’Allemagne de l’Est, d’un homme qui avait été étudiant sous Guillaume II, lieutenant à Verdun, assistant de neurologie sous Weimar, et titulaire d’une chaire de psychiatrie pendant le troisième Reich ! Il ne reste pas grand-chose du centre de Dreizen tel qu’il pouvait apparaître avant-guerre. Le palais aux arcades innombrables et aux lourds encorbellements, les églises rocaille et païennes, je les ai vus plus tard sur des gravures ou d’anciennes photographies. Je les ai vus aussi à terre, soufflés par le passage des bombardiers creusant leur trace sanglante, dans les archives personnelles que Paracelsius conservait des terribles journées, qui avaient épargné sa maison. Celle-ci faisait partie, comme je le vis bientôt, du seul bloc relativement intact de tout le quartier compris entre l’Elbe et l’Opéra. Quand on est rassasié des mornes perspectives de béton de la ville moderne, on accueille d’abord avec bonheur le souvenir, ici imprévu, d’une Saxe royale et bourgeoise. J’arrivais de la Chemnitzer Allee, et m’attardais quelques instants au bord de l’Elbe. Je m’avançai vers un débarcadère planté d’érables rougeoyants, où l’on avait abandonné deux vieux canons en fonte, pour regarder le fleuve. En me retournant, je vis d’abord, immobile, un œil, puis le reflet inversé d’une maison. Je levai la tête. C’était là. La maison était haute et lourde, aux formes pleines. Elle devait dater du milieu du XVIIIe siècle et, sous son fronton baroque, s’arrondissait la lucarne dont j’avais d’abord capté dans l’eau noire l’image symétrique. La porte était percée d’un judas, en tout point semblable, en dimension réduite, à l’œil-de-bœuf du fronton. Je n’ai jamais aimé les judas, et ne pus m’empêcher, dans le silence qui suivit mon coup de sonnette, de me sentir observé. La porte fut ouverte sans bruit, par un homme d’une cinquantaine d’années. Je sus plus tard qu’il s’appelait Paul Theodor Koch, qu’il s’occupait à la fois des travaux domestiques et du secrétariat de Paracelsius et qu’il l’accompagnait dans toutes ses entreprises, jouant un rôle non négligeable dans ses activités scientifiques. Il me fit monter l’escalier médian, monumental, des demeures de ce style. En passant à côté de ce qui devait être une antichambre, je ne fus pas étonné, mais comme rappelé à une autre réalité, en y voyant un portrait de Karl Marx.
Le bureau du Professeur était vraiment immense. J’y pénétrai par une porte latérale qui, vue de l’extérieur, était un panneau de bibliothèque chargé de livres. D’autres livres tapissaient d’ailleurs les murs de la pièce, de sorte qu’une fois la porte refermée, il n’y avait plus d’issue visible. Je fus stupéfait par cette accumulation de volumes dont certains paraissaient fort anciens, et où je me plus à imaginer des textes introuvables, des manuscrits ignorés. Mais ceci ne dura qu’un instant car, au bout d’un long et étroit tapis de Smyrne, le Professeur Paracelsius m’attendait. Il m’entendit parler de mon enthousiasme pour ses travaux avec une souriante modestie, et ne parut pas s’apercevoir de la maladresse et de l’embarras de certains de mes propos. Il se déclara surpris d’apprendre que l’on s’intéressait encore à son œuvre dans les pays capitalistes, et se plaignit de la désaffection que l’influence de la psychanalyse avait fait subir à la séméiologie descriptive. J’eus beau jeu de lui rétorquer que tout évoluait, que la psychanalyse en Occident ressentait comme les autres sciences de l’homme un besoin de rigueur, et que l’accent mis aujourd’hui sur la structure des phénomènes rendait toute sa place à l’étude des formes… Poussant mon avantage, j’osai me présenter comme son futur ambassadeur et lui demandai tout net de faire de moi, pour quelques temps, son assistant. À ce moment, j’entendis la sonnette de la porte d’entrée. Paracelsius parut contrarié. Il eut un geste nerveux de la main droite, et je le vis diriger son regard vers un cadre qui se trouvait en face de lui, sur son bureau. Derrière le Professeur, il y avait un miroir mural. J’eus la curiosité d’y chercher ce qu’il regardait lui-même. Je vis un visage d’homme aux traits durs, puis, avec surprise, je reconnus à côté de ce visage la sonnette au dessin caractéristique, que j’avais moi-même pressée, quelques instants plus tôt. En même temps, j’entendis Paracelsius dire très doucement, comme entre ses dents : « Koch, c’est Wangen. Dis-lui de repasser dans une heure ». Ma plus grande surprise fut que la réponse de Mr Koch, d’une parfaite banalité, me parvient avec une proximité stupéfiante, comme s’il avait parlé à côté de mon oreille. Je n’eus pas le temps de réfléchir au dispositif optique et acoustique qui rendait cela possible. Paracelsius revenait à notre affaire et sa réponse me fut, sur le moment, très décevante. Il n’avait pas la possibilité de me rémunérer, je devais m’adresser au Ministère de la Santé. Il pouvait me donner une recommandation, mais il n’y avait vraiment aucune chance que je sois nommé au Birkenhof, dont le cadre était complet. Si je réussissais à trouver un emploi dans la région, il m’invitait volontiers à participer à son séminaire, chaque mercredi soir. Ses publications se trouvaient toutes à la bibliothèque de la Clinique d’État, où je pouvais les consulter. De participation à ses travaux actuels, il n’en fut point question. J’eus l’impression d’un échec total. Je le vis d’ailleurs aussitôt sous un autre jour. Son sourire me parut sarcastique. Je fus aussi frappé, à ce moment, par son regard, très lourd, très fixe, traversant la fente étroite de ses paupières gonflées. Je me levai, remerciai, pris congé. Je parcourus avec raideur le tapis de Smyrne, en regardant mes pieds et les dessins géométriques, qui défilaient. J’eus un instant l’impression de ne pas avancer, ou de marcher sur un tapis roulant qui, se déplaçant à la même vitesse que moi dans l’autre direction, annulait mon mouvement. Alerté, je levai les yeux, cherchant à évaluer la distance qui me séparait de la porte. J’étais troublé au point d’avoir oublié par où j’étais entré. À l’endroit où je croyais voir une porte, je vis un miroir et, dans ce miroir, ma propre image multipliée à l’infini. J’eus une sorte de haut-le-cœur et, à ce moment, j’entendis un fort bruit de cloche. Une seconde plus tard, j’avais repris contenance et pus continuer. Le panneau de livres s’ouvrit. Souriant et muet, Mr Koch me reconduisit.
Le courage et l’énergie me revinrent assez vite. Je fis les démarches nécessaires, et reçus de mon maître la recommandation grâce à laquelle j’obtins un poste de résident étranger à l’hôpital psychiatrique de Thürna, à quelques soixante kilomètres de Dreizen. J’estimai ne pas avoir complètement perdu mon temps en constatant que Thürna était l’endroit où Schreber avait passé la plus grande partie de ses neuf années d’internement. Je me proposai fermement de compulser les archives de cette époque et, qui sait, d’apporter quelques lumières nouvelles sur un aussi célèbre dossier. À Thürna, ce n’était pas la guerre, mais le modernisme qui avait sévi. J’eus peur de ne rien retrouver. L’antique Maison de Santé du Sonnenburg avait fait place à un immeuble d’une dizaine d’étages. Seules les berges du fleuve, par-dessus une rangée de marronniers, ressemblaient à ce que Schreber avait aperçu de la fenêtre de sa chambre. Mais je repris espoir le jour où je visitai les caves, vastes comme une nef d’église et remplies de paquetages poussiéreux, dont l’âge n’avait rien de commun avec celui de l’hôpital actuel. Mon service, mal payé, me laissait assez bien de loisir. Je pris l’habitude de venir consulter les dossiers les plus anciens, arguant d’un vague projet de recherche sur la nosographie allemande du XIXe siècle. Je ne sais pas exactement ce qui me retint de confier à d’autres mon projet véritable. Peut-être sentais-je mes collègues à mille lieues de mes propres préoccupations, tout occupés qu’ils étaient à doser les hormones et leurs sous-produits dans toutes les humeurs du corps.
Il me fallut longtemps avant de découvrir la moindre trace de l’illustre patient. Je retrouvai le registre des entrées, mais il n’y avait aucune admission d’un dénommé Daniel Paul Schreber au cours de l’année 1894. Je vis alors, en examinant attentivement le livre, que quelques pages manquaient : elles avaient été découpées au rasoir, à une époque déjà fort ancienne à en juger par l’état du papier à l’endroit de la coupure. Ces pages correspondaient aux admissions réalisées entre le 18 juillet et le 4 août 1894. Selon ses Mémoires, Schreber fut admis au Sonnenburg le 29 juillet. En principe, les dossiers étaient empaquetés par cinquante environ, dans l’ordre chronologique de la date de sortie du patient. Les paquets étaient entassés dans un ordre relatif. Je ne pus retrouver à leur place normale les dossiers des malades sortis en 1902. C’était le 14 juillet de cette année-là que Schreber, par jugement de l’Oberlandgericht de Dresde, fut rendu à la vie normale. Au bout de longues heures de recherche, étalées sur plusieurs jours, je finis par retrouver les dossiers de 1902, épars et cachés derrière ceux d’autres années, dans un des recoins les plus sombres de la cave. Ce qui me frappa surtout, c’est que la disparition des pages du registre d’entrées et la dispersion des dossiers ne pouvaient dater de la même époque, et ne pouvaient donc avoir la même origine. Il était clair que les dossiers avaient été rangés dans la cave actuelle après 1951, c’est-à-dire après la construction de l’hôpital. Je fouillai méthodiquement l’endroit où pouvait se trouver le dossier de Schreber. Ce fut en vain. Je ne croyais plus à la coïncidence. J’étais prêt à croire que quelqu’un l’avait fait disparaître à dessein. Pourtant, je ne comprenais pas la raison de cette mise en scène, si le dossier avait été détruit ou subtilisé. Tout se passait plutôt comme si l’on avait voulu décourager la recherche d’un document qui restait cependant disponible, pour celui qui savait où le trouver. Un beau jour, Dieu sait pourquoi, j’eus l’idée de chercher le dossier de Schreber, non plus en fonction de sa date de sortie, le 14 juillet 1902, mais en fonction de la date de sa mort, le 14 avril 1911. Il était là, intact. Je remis toute chose en place, soigneusement, mais n’eus pas trop de scrupule à emporter le dossier dans ma chambre, qui se trouvait dans le même bâtiment.
Le lendemain matin, je reçus du Dr Paracelsius une lettre particulièrement aimable, qui m’invitait à son séminaire. Le thème en était peu commun, mais bien propre à exciter mon enthousiasme : Rhétorique et stylistique des malades mentaux : aspects descriptifs et thérapeutiques. J’avais précisément étudié ce sujet, un an auparavant, à partir d’enregistrements et d’écrits de patients, en référence à R. Jakobson. Je ne pouvais pas tomber mieux. Je repris le train de Thürna à Dreizen le mercredi suivant, faisant en sens inverse le trajet que fit Schreber entre ce que ses voix appelaient la « cuisine du diable » et la « citadelle du diable » : entre le Birkenhof et le Sonnenburg. Je m’amusai à tout regarder avec ses yeux d’alors. L’aube d’automne m’y aidait, donnant à toute chose un éclat désert et glacé. Les arbres dépouillés, l’Elbe recouvert de bancs de brume, les collines bleues de l’Erzgebirge, au loin, tout formait un univers cosmiquement pur, débarrassé du pullulement des hommes. Et les rares silhouettes humaines, affairées, recroquevillées par le froid, se hâtant vers Dieu sait quel but sans consistance, n’étaient pas plus réelles que les « flüchtig hingemachte Männer », les images d’hommes « bâclées à la six-quatre-deux », dont Schreber souffrait à la fois la tyrannie, et la vanité.
Le séminaire avait lieu dans le Laboratoire, c’est-à-dire dans la chapelle du Birkenhof. L’intérieur n’avait rien de remarquable, à première vue, parce que les murs étaient tapissés de rideaux poussiéreux gris et rouges et qu’on ne voyait plus rien de l’architecture. Il y avait cependant un très beau jubé, avec des orgues qui paraissaient en fort mauvais état. Dans le chœur, sur une estrade, il y avait une vingtaine de mauvaises chaises d’église. Je m’y rendis régulièrement, pendant près d’un an. Le Maître parlait ex cathedra, mais de nombreuses discussions avaient lieu après son exposé. Mr Koch servait de secrétaire et de greffier. Sa mémoire était extraordinaire, son attention jamais prise en défaut. Il était capable de restituer l’intervention de n’importe quel participant, plusieurs mois plus tard, en usant des termes mêmes qui avaient été employés. Paracelsius avait à mon égard perdu toute prévention. Il semblait faire grand cas de mes remarques, et j’en étais ravi. Un jour que nous avions comparé le style de deux écrivains dont les aventures psychiatriques étaient célèbres, il me fit remarquer que ce qu’il avait dit de l’écriture pouvait se dire aussi des arts graphiques. Tirant un rideau, il découvrit soudain le mur de l’abside, et dévoila la plus merveilleuse exposition d’art moderne que l’on pût contempler. Je le regardai avec des yeux effarés. « Oui, c’est beau, n’est-ce pas ? dit-il. Mais je garde ceci secret en vue d’une prochaine publication. Tous ces gens étaient de grands malades. La plupart vont mieux, maintenant. Regardez : chaque rangée horizontale est faite d’œuvres d’un même patient. Voyez-vous l’évolution du style ? Eh bien, nous constatons que l’amélioration clinique est parallèle à cette évolution ». Je vis en effet, sur la gauche, une débauche de couleurs, des compositions d’une fantaisie exubérante. À droite, des toiles où prédominait le dessin, souvent la répétition des mêmes motifs, des entrelacs où figuraient parfois des formes humaines, très stylisées. C’était beau, en effet. Paracelsius était heureux. J’eus envie de donner mon avis, mais quelque chose m’en empêcha : de quel côté Paracelsius plaçait-il l’amélioration ? En quittant la chapelle, je me demandais si les murs latéraux étaient eux aussi parsemés de trésors. Je ne pus m’en rendre compte, mais fus cependant surpris d’apercevoir, derrière une des horribles tentures, l’éclat d’un grand miroir.
Je me mis également à lire le dossier de Schreber. Ce n’était pas facile. La cursive gothique est bien l’une des pires inventions du diable, et l’écriture du Dr Weber, Conseiller privé et Médecin-chef du Sonnenburg, est particulièrement illisible. Je cite ici quelques phrases remarquables :
- (4 août 1894). « Aujourd’hui, grande agitation. A dû être immobilisé sous contention. Prétend avoir la peste brune : des taches brunâtres sur la peau. Crie sans arrêt : ‘petit Flechsig’, en accentuant le mot petit, et ‘assassin d’âme’. Transféré en cellule d’isolement ».
- (12 août 1894). « Plus calme. Il peut répondre aux questions, et son délire s’exprime de façon plus organisée. Se sent persécuté par son ancien médecin. Celui-ci l’aurait ‘assassiné’ en le ‘perçant à jour’. Se dit bon à être laissé en plan sur une décharge d’ordures. Demande aussi qu’on le tue. Je lui fais remarquer la contradiction : sourire méprisant ».
- (3 septembre 1894). « Se plaint d’avoir été ‘cuisiné’ par F. dans la chapelle du Birkenhof. Très anxieux à cette évocation. ‘Ils savent tout. C’est l’œil de Caïn… ».
- (18 septembre 1894). « Je porte le diagnostic de psychose hallucinatoire. Les hallucinations affectent tous les sens, mais sont surtout visuelles, auditives et cénesthésiques : ainsi, il prétend que son âme a été percée à la suite de manœuvres sexuelles honteuses. Il semble se représenter l’âme comme une enveloppe corporelle. Depuis cet événement, il se croit incapable de retenir en lui son énergie vitale, et les matières même qui composent son corps. Coprophagie fréquente. Sans doute s’agit-il de réintroduire dans son corps ce qui en sort ».
- (12 octobre 1894). « Nettement mieux. A pu réintégrer la chambre prévue pour lui. Ses bonnes manières réapparaissent et rendent sa conversation souvent fort agréable. Je l’ai interrogé sur la raison pour laquelle il en veut à un aussi éminent praticien que le Prof. Paul Flechsig. Réponse bizarre : ‘Cela ne date pas d’aujourd’hui. Au Moyen-âge, on conservait certaines âmes pendant des siècles sous des cloches de verre. Mais on pouvait faire pire encore, comme von Hohenheim le savait bien’. Qui est v.H. ?, demandai-je. ‘Quelqu’un comme vous : il ne voulait pas mourir…’. Mais je sais bien que je vais mourir un jour… ‘Vous êtes déjà mort’. Il faudra revenir là-dessus ».
Je n’avais jamais lu ce nom, von Hohenheim, dans les écrits sur Schreber, mais sa consonance me rappelait quelque chose. Je pensai que cela me reviendrait un jour en mémoire. Peut-être était-ce un élément qui permettrait d’en savoir plus long sur le « meurtre d’âme » auquel Schreber pensait avoir échappé de justesse. Les chapitres qu’il avait écrits à ce sujet ont été retirés des Mémoires, parce que décidément impropres à l’impression. Nous savons seulement que Schreber accuse un ancêtre de Flechsig d’avoir commis un meurtre d’âme sur la personne d’un ancêtre Schreber, à l’époque de Frédéric le Grand. D’après les voix, le coupable s’appelait Daniel Fürchtegott Flechsig. L’allusion à la chapelle du Birkenhof m’avait également causé beaucoup d’émotion : c’était donc là, la cuisine du diable… Après tout, s’y serait-il réellement passé quelque chose qui aurait amorcé ou renforcé le délire de persécution de Schreber ?
Deux mois plus tard, j’accompagnai Paracelsius à Copenhague. J’étais devenu l’un de ses interlocuteurs privilégiés pour les discussions théoriques, sans qu’il proposât jamais de m’associer à ses activités expérimentales. Il devait faire une importante communication au Congrès international de Psychothérapie. J’étais curieux de l’entendre sur ce chapitre, car le séminaire, qui annonçait des perspectives thérapeutiques, s’était cantonné jusque là dans la description et dans l’analyse. C’était aussi la première fois que je participais à un congrès de cette importance, et le faire dans la suite d’un des principaux invités me donnait l’occasion de goûter à un luxe inhabituel. Le jour venu, j’entendis Paracelsius se livrer à une critique magistrale des rapports sociaux capitalistes, et à une analyse extraordinaire de leurs conséquences sur le destin des individus. Je n‘en revenais pas : je n’avais jamais considéré le Professeur, malgré le portrait de sa salle d’attente, comme influencé d’aucune façon par le marxisme. Je me dis que j’avais accordé trop d’importance à des détails extérieurs, ou à ce qu’ils évoquaient en moi. Je n’avais pas à lui donner de leçons de cohérence politique. Mais la seconde partie de son exposé fut une déception terrible : il eut le front de prétendre, devant deux mille personnes, que le système politique est-allemand avait résolu pour l’essentiel les contradictions sociales, et qu’il ne pouvait plus, par conséquent, y naître de nouvelles névroses. Il fut cependant assez bon pour ajouter deux réserves à cette incroyable affirmation. L’une concernait les maladies mentales d’origine organique, l’autre concédait que l’ancien régime pouvait continuer à influencer les mentalités pendant une période transitoire assez longue. Je sentis en moi l’aiguillon de la révolte et lui fis, le soir, d’amers reproches qu’il accepta avec le sourire. « Ce n’est pas ici que je dévoilerai mes idées véritables, dit-il. Vous serez peut-être surpris d’apprendre que tout ce que j’ai dit ce matin provient d’une source française ! Disons que cette théorie a séduit notre Ministre de la Santé… ». Je revins à la charge : « Mais comment pouvez-vous prétendre un seul instant à la disparition des contradictions sociales ? ». À nouveau, son sourire amer et qu’on pouvait trouver cynique, par moments : « Ich löse sie alle auf… ». Je les résous toutes. Je restai, cette fois, sans voix et sans argument. L’image du serpent du Petit Prince s’imposa soudain à mon esprit. La même réponse. Là, il s’agissait de la mort. Ici, de quoi s’agissait-il ?
Ce fut peu après, que Paracelsius commença à lever un coin du voile sur ses propres conceptions thérapeutiques. Dans la chapelle, que je ne fréquentais plus sans une certaine anxiété, il nous expliqua que deux médiateurs synaptiques, c’est-à-dire deux substances produites par nos cellules, et favorisant la transmission de l’influx nerveux, facilitaient chacune un mode de pensée différent. L’un d’eux nous aidait à penser par métaphores (c’est-à-dire par comparaisons). L’autre nous aidait à penser par métonymies (c’est-à-dire par des associations d’idées de proche en proche). « J’en ai, nous dit-il, la preuve clinique et expérimentale. Or, il est évident que le délire consiste en une exagération morbide des processus de pensée métaphoriques : un tel nous dira que le soleil lui parle – c’est une métaphore pour parler de son père. Une autre, que des animaux parasitent son ventre : c’est une métaphore pour parler de sa peur de la grossesse ». L’auditoire était silencieux. Quelqu’un demanda pourtant si des recherches pharmacologiques permettaient d’espérer que l’on contrôle un jour, chez les malades, le taux trop élevé de la substance coupable. Paracelsius répondit que oui, mais qu’il était encore prématuré d’en parler. « En attendant, ajouta-t-il, nous utilisons d’autres méthodes, tout aussi efficaces, mais qui n’ont rien de chimique. La production de ces substances est très sensible à certaines variations extérieures. Peut-être par l’intermédiaire de la glande pinéale… ». Il s’épanouit : « Ici même, Messieurs, nous arrivons par des procédés très simples, et parfaitement inoffensifs, à rétablir l’équilibre fonctionnel entre les deux médiateurs, et même à développer chez les patients les capacités métonymiques, garantes d’une fonctions cérébrale et sociale aussi parfaite qu’on peut le souhaiter. Ces procédés, je ne les ai pas inventés. Je ne fais qu’en donner une explication scientifique. Ils étaient appliqués depuis des siècles par certains héritiers des alchimistes allemands du XIIIesiècle.
Je me sentais oppressé, et fus heureux que le séminaire se terminât pour respirer l’air frais des allées du parc. Autour de moi, les étudiants se livraient à des commentaires enthousiastes. J’entendis ceci, qui me parut digne d’être noté : le Birkenhof est tout entier orienté vers la recherche. Pour assurer la surveillance constante des patients, on y a perfectionné l’idée d’un aliéniste français du XVIIIe siècle, en lui donnant les moyens de l’électronique moderne. Le Birkenhof est un « Panoptikon », un lieu où rien n’est invisible.
Je revins, curieux mais alarmé, au dossier de Schreber, où j’espérais trouver des détails complémentaires sur la chapelle. Je n’en trouvai point. Le texte décrivait la modification progressive de l’état du malade, et celui-ci devenait de plus en plus conforme à l’image qu’il a laissée de lui dans ses Mémoires : un grand délirant menant une vie presque normale. On ne parlait plus du tout de Flechsig. Quelques semaines avant de revenir en France, ayant accumulé des centaines de pages sur l’œuvre descriptive de Paracelsius qui est, comme je l’ai dit, considérable, je jetai une dernière fois les yeux sur le dossier, avant de le remettre en place. J’eus l’attention attirée par une note marginale, de la main du Dr Weber, qui m’avait échappé jusqu’alors :
reine Unwahrscheinlichkeit :
Th. v. Hhhm – D F F – P.
P Th F
S
Manifestement, Weber clamait là sa perplexité d’une façon assez spontanée : il s’agissait plutôt d’un graffiti que d’une note. Rien, du reste, ne se rapportait à cette inscription dans le texte de la page correspondante. J’étais assez imprégné de tous les éléments du dossier pour risquer une hypothèse :
Th. v. Hhhm devait être von Hohenheim. Mais qui était donc ce Th. Von Hohenheim ?
D F F : peut-être Daniel Fürchtegott Flechsig, le meurtrier d’âme supposé ?
Si cela était, il ne pouvait plus y avoir le moindre doute pour P Th F : Paul Theodor Flechsig, le célèbre neurologue, le persécuteur de Schreber (dont les initiales figurent en diagonale :
D P S, Daniel Paul Schreber).
Mais ce P. final ?
Paris, 16 juillet
J’y suis. J’ai trouvé, et suis atterré. J’ai feuilleté hier l’Encyclopédie Universelle, guidé par Dieu sait quelle intuition ou par le cheminement de mon Inconscient. J’ai vu :
« Paracelse : (de son vrai nom Theophrastus Bombastus von HOHENHEIM) … Paracelse n’était pas seulement le médecin guidé par une théorie très personnelle de la nature. Il était alchimiste et, comme tel, héritier d’une très ancienne tradition. Selon certains, il ne cherchait pas seulement la transmutation des métaux, mais surtout celle de l’homme. Vers la fin de sa vie, il croyait y être arrivé pour lui-même, et se disait immortel. Il semble avoir puisé dans des sources cathares ou bogomiles aujourd’hui disparues des pratiques remontant à l’ancienne Perse, et créant les conditions de la perfection à partir d’un culte de la Lumière, de la Séparation et du Reflet… ». J’ai refermé le livre.
Paris, 26 juillet
Hier, il m’est arrivé une chose étrange. Je me trouvais aux Galeries Lafayette. Il y a beaucoup de contrôles antivol. Je me suis trouvé à l’endroit précis où mon image était reflétée à la fois par deux miroirs se faisant face. Je me suis vu un million de fois. J’ai été pris d’un malaise intense, d’une nausée, et j’ai eu l’impression d’entendre un carillon éclater dans mon crâne. C’était vraiment horrible. En sortant du magasin, j’ai vu des taches brunes sur mon avant-bras. J’ai pensé : « C’est la peste », et j’ai eu peur. Pourquoi cette pensée ?
Paris, 29 juillet
« … L’intéressé était dans un état de confusion mentale grave et a dû être transporté au Dépôt, puis transféré dans notre Hôpital. Il parlait sans cesse de Paracelse, et semblait se considérer comme persécuté par lui. Après avoir lu le texte ci-joint, que l’on a trouvé dans ses vêtements, j’ai eu la curiosité de vérifier. Les passages cités ne sont pas dans l’encyclopédie Universelle, édition 1978. J’ai réussi à savoir du patient qu’il avait compulsé le volume appartenant à un ami, un psychanalyste belge du nom de Théo Bombast, résidant à Paris. Celui-ci, contacté, a dit s’être procuré son Encyclopédie par l’intermédiaire d’un libraire de la rue Bonaparte. L’investigation se poursuit… ».
(Signé : A. Weber, interne des Hôpitaux)